« Freelance : Pourquoi pas moi ? » – 3/3 : Le montage

Bonjour à tous,

Nous arrivons au terme de cette mini série de billets de blog ! Si les posts précédents étaient plutôt orienté sur la psychologie du freelance, aujourd’hui, nous rentrons dans le dur, dans le technique, et nous allons tenter de répondre à la question : Quel est le meilleur montage en France pour un freelance,  qui génère au moins 90k€ de CA (hors sous traitance) par an ?

Premier élément de réponse : ça dépend de votre mode de vie. Je vais ici vous décrire ce qui est, à mon sens et pour l’instant, le meilleur montage, pour quelqu’un comme moi.
En gros :
– Je suis prêt à payer une bonne assurance sociale
– Je ne veux pas embaucher
– Je ne veux pas m’associer
– Je suis propriétaire de mon appartement
– Je génère plus de 90k€ de CA / an
– Je n’ai pas de voiture, mais je prends beaucoup les transports et les Uber
– J’ai un profil d’épargnant de long terme car je souhaite partir à la retraite vers 50 ans

Ces critères ont été déterminants dans le choix du montage que j’ai réalisé. Ce montage est le fruit de plusieurs journées passées sur Internet, avec ma banque et mon expert comptable.
Vu la multitude de possibilités qu’il existe en France, de régime dérogatoires, … cela nécessite de s’y plonger.

Je suis souvent stupéfait lorsque je discute avec d’autres freelance. En la matière, la plupart d’entre nous subit au lieu d’agir. A une certaine époque, il n’existait que l’EURL, qui n’est vraiment pas adaptée au format de nos activités. Les « anciens » freelance n’ont pas fait de veille juridique pour connaitre les nouveaux statuts et les nouvelles possibilités. Ils subissent donc un statut qui n’est pas mauvais, mais juste incompatible avec leur activité. Et ils s’en plaignent !

A mon sens, passer du temps à optimiser fait partie de notre métier, si on décide de l’exercer en France. C’est une contrainte à prendre en compte. Une variable. Notre pays ne présente aucune stabilité règlementaire et fiscale. Il suffit de s’adapter. C’est comme avec Azure et Office 365 : il y a de la nouveauté tous les jours, et tout le monde trouve ça génial, et fait évoluer ses usages. Pourquoi il n’en serait pas de même avec nos boites ?

On ne doit pas juste exercer son boulot de consultant. On doit aussi se tenir informé des évolutions règlementaires, explorer de nouvelles pistes, se montrer créatif, et surtout faire évoluer son montage.

Donc, messages à mes collègues : arrêtez de vous plaindre des prélèvements. On va voir que la France est un paradis fiscal pour les freelances qui gagnent plus de 90k€ de CA. C’est comme le reste, il suffit de s’y plonger et de le bosser un peu.

Une dernière chose à ce sujet, après j’arrête d’accabler tout le monde : vous êtes seuls. Si votre expert comptable pourra valider un montage, il ne vous le fera pas, et nous ne gagnons pas assez pour intéresser des avocats fiscalistes suffisamment pointus.

Le statut
En France, il existe une multitude de statuts : de l’auto entrepreneur, à l’indépendant, en passant par une dizaine de formes de sociétés différentes. Chacun d’entre eux ont leurs avantages et leurs inconvénients.
Pour avoir fait une première expérience (ratée) de mise à mon compte il y a sept ans, je savais une chose, je ne voulais plus jamais avoir à faire au RSI (Régime Social des Indépendants).

Pourquoi ? Il y a bien sur les raisons habituelles que chaque personne qui est assuré chez eux connait, mais aussi parce que le niveau des prestations d’assurance qu’ils fournissent présente un rapport qualité / prix désastreux. Pas d’arrêt maladie, pas de cotisations aux caisses de retraites des cadres, … Le tout pour un prix prohibitif, calculé sur des bases forfaitaires incompréhensibles.
Bref, ce critère a largement restreint les choix de statuts potentiels.

Il n’existe qu’un seul statut permettant à un indépendant d’être salarié : la Société par Action Simplifiées Unipersonnelle, plus communément appelées SAS Unipersonnelle, ou encore SASU.

Par ce statut, vous devenez Président de votre SASU, vous en êtes l’actionnaire unique, et vous vous versez un salaire mensuel, avec bulletin de salaire, cotisations aux caisses de retraite des cadres, arrêts maladie, … Deux choses vous différencient d’un salarié lambda :
– Si vous avez un litige avec votre employeur (donc vous même), vous dépendez du Tribunal d’Instance, et non pas des Prud’hommes.
– Vous ne cotisez pas à l’assurance chômage, et vous n’y aurez donc pas le droit.

Avantages :
– Vous bénéficiez de la meilleure assurance maladie du monde
– Vous bénéficiez des caisses de retraite du régime général, et des caisses complémentaires des cadres
– L’accès au crédit. Les banques ne prêtent généralement pas à des gérants de sociétés (type EURL) ou travailleurs indépendants sans trois ans de bilan. Comme vous êtes salarié, vous n’avez pas à expliquer à un organisme de crédit que vous êtes à votre compte. Vous leur donnez les trois derniers bulletins de salaire, … Et puis voilà !
– Vous allez pouvoir bénéficier de tous les avantages de l’épargne salariale, d’une mutuelle payée par la SASU, … Nous allons y revenir.

Inconvénient
– C’est cher. Puisque les cotisations patronales + salariales représentent près de 60% du salaire. Mais comparé au 45% du RSI… Le choix est fait ! Et puis, il y a d’autre moyen de se reverser l’argent de son entreprise.

Pour le reste, c’est un fonctionnement normal de société en TVA, imposée à l’IS. Je crois qu’il y a une option d’imposition à l’IR, mais ce n’est pas intéressant dans notre cas.

Une fois que vous avez décidé quel était votre statut, une seule question doit vous obséder : comment faire redescendre le maximum d’argent de la SASU dans ma poche, sans payer trop d’impôts et prélèvement sociaux, ni sacrifier mon assurance sociale et, of course, en restant dans la légalité.

Et c’est là qu’intervient le montage.

Defisc

Le loyer
Valable uniquement si vous êtes propriétaire de votre appartement.
En gros, vous louez une surface raisonnable (pas plus de 25%) de votre appartement à votre société, pour qu’elle puisse exercer son activité. Attention : ce loyer doit être en adéquation avec les loyers habituellement pratiqués sur votre zone géographique. Vous devez également penser à faire un bail, en cas de contrôle.

Avantages pour la SASU :
– Le loyer est une charge et vient donc en déduction de son résultat net : donc moins d’IS

Avantages pour vous :
– Vous avez besoin d’une nouvelle télé ? Achetez la avec la société, pour meubler votre lieu d’exercice qui se trouve être aussi votre résidence principale, … En plus, vous récupèrerez la TVA ! (Voir la rubrique sur les frais)
– Si vous faites des travaux à titre personnel, vous pouvez déduire de votre revenu imposable, une partie de ces travaux. Ils sont alors passés en déficits fonciers. Ce qui est génial si vous faites de gros travaux. C’est un sacré bon vecteur de défiscalisation.

Imposition et prélèvements sociaux pour vous :
– 15% de prélèvement sociaux
– Taux marginal d’imposition sur le revenu (généralement 30%)
Soit un total de 45%, mais lisez bien la rubrique « avantages » ^^

Le salaire
Déjà évoqué plus haut, il vous permet un accès au crédit facilité, l’accès à une excellente couverture sociale (tant maladie, que retraite). Il doit être votre élément principal de rémunération. Je vous déconseille d’augmenter le loyer que vous faites payer à votre société et de réduire votre salaire pour payer moins de prélèvement sociaux.

Avantages pour la SASU :
– Le salaire est une charge et vient donc en déduction de son résultat net : donc moins d’IS

Prélèvement pour la SASU :
– Cotisations sociales patronales : aux alentours de 40% du salaire brut

Avantages pour vous :
– Couverture santé similaire à celle des salariés (y compris les arrêts maladies)
– Cotisation aux caisses de retraite du régime général
– Mutuelle obligatoire qui peut être prise en charge à 100% par la SASU et donc venir en déduction de son résultat net
– Accès au crédit facilité
– Permet de bénéficier des avantages des salariés (chèques vacances, épargne salariale, …)

Imposition et prélèvements sociaux pour vous :
– Cotisation sociales salariales (directement payées par l’employeur) : aux alentours de 25% du salaire brut
– Taux marginal d’imposition sur le revenu (généralement 30%) sur le salaire net

Le PEE + accord d’intéressement ou de participation
Le Plan Epargne d’Entreprise est l’arme de défiscalisation massive de ce montage. Il l’est encore plus depuis que la loi Macron est passée. Il n’est accessible qu’aux salariés, qui doivent être au nombre de deux (vous pouvez salarier votre conjoint deux heures par semaine).
Je vais essayer de rester concis : il s’agit d’un compte épargne, ouvert par l’entreprise au nom de son salarié. A l’origine, le fonctionnement est le suivant : vous mettez 10€ et l’entreprise peut abonder, dans une certaine limite (qu’on atteint rapidement). L’entreprise paye alors 8% de forfait social sur ce qu’elle verse (comparez ce chiffre au 40% de cotisations patronales sur le salaire).

L’argent est bloqué 5 ans (avec déblocage anticipé possible dans certain cas : achat de voiture, de résidence principale, …). Lorsque le salarié récupère l’argent, celui-ci est net d’impôts et de prélèvement sociaux. Comme si vous aviez gagné au Loto !
Dans cette configuration le PEE présente une limite : vous devez mettre de l’argent personnel pour que l’entreprise abonde ; et l’abondement est très limité par la loi.

Par contre, vous pouvez y joindre un accord d’intéressement ou de participation (la banque s’occupe de tout ça). Et là, c’est le jackpot le plus total.
La SASU verse alors sur un compte à votre nom le montant que vous voulez, paye uniquement 8% de forfait social.
Quand vous récupérez l’argent au bout de cinq ans, ou cas de déblocage anticipé, il est net de tout : pas d’impôts ni de prélèvement sociaux.
C’est encore mieux que de vivre dans un paradis fiscal ! Si vous vous versez 1000 €, la SASU payera 80 € de forfait social et après l’argent est à vous !
Ah oui ! Dernière chose ! Les versements sur le PEE sont considérés comme une charge, et viennent donc en déduction de son résultat net, donc moins d’IS !

Avantages pour la SASU :
– Les versement sur le PEE sont une charge et viennent donc en déduction du résultat net : donc moins d’IS

Prélèvement pour la SASU :
– Forfait social minime, récemment passé à 8% par la loi Macron (contre 20% auparavant)

Imposition et prélèvements sociaux pour vous :
– Strictement aucun prélèvement, ça ne compte même pas dans votre IR. Par contre l’argent est bloqué au moins 5 ans, sauf cas de déblocages anticipés.

Attention : si vous comptez embaucher, réfléchissez avant de mettre en place ce type de plan : vous devrez en faire bénéficier tous les salariés dans la même catégorie objective que vous (cadre, …).

Les frais
Ils participent énormément à l’augmentation de votre niveau de vie professionnel. Il faut y faire attention, car les impôts y font attention.
Passent normalement en frais toutes les dépenses nécessaires au bon fonctionnement de votre SASU : matériel informatique, repas lorsque vous êtes en mission, repas avec des clients ou des fournisseurs, déplacements en Uber, en avion, cadeaux aux clients …
L’avantage, c’est que vous ne payez aucun impôt, ni aucun prélèvement sur les frais de l’entreprise ; qu’ils viennent imputer le résultat net, faisant donc baisser l’IS, et que la SASU récupère la TVA dessus.

On peut donc être tenté de faire passer en frais des choses qui ne relèvent pas vraiment du fonctionnement de l’entreprise. Par exemple : évitez de faire vos courses avec la carte VISA de la société…

Comme le dit mon excellent expert comptable à ce sujet : « il y a des zones blanches, des zones noires, et des zones où on discute ».

En tout état de cause, à chaque fois que vous sortez votre carte pour payer quelque chose, posez-vous la question : « est-ce que je ne pourrai pas le passer en frais ? », si la réponse est oui, réfléchissez bien à la justification que vous donnerez lorsqu’on vous la demandera.

Avantages pour la SASU :
– Les frais sont une charge et viennent donc en déduction du résultat net : donc moins d’IS

Avantages pour vous :
– Votre vie professionnelle sera nettement plus confortable que dans votre vie de salarié


Les dividendes
Les dividendes, c’est le fruit de la distribution à l’actionnaire unique de tout ou partie des bénéfices de la SASU. S’il y a des dividendes, c’est qu’il y a eu des bénéfices. Et s’il y a eu des bénéfices, c’est qu’il y a eu de l’IS…

Très franchement, il n’y a aucun intérêt à payer de l’IS, ou même l’imposition sur les dividendes. Il faut faire un peu de bénéfice (=IS) et se verser un peu de dividendes (=IR + Prélèvement sociaux) pour faire plaisir aux impôts. C’est comme ça. Mais vu ce que j’ai expliqué plus tôt, c’est un moindre mal .

Et voilà, sur cette note un peu triste se termine ce dernier billet de la série « Freelance : Pourquoi pas moi ? ». Je voulais encore vous remercier de votre fidélité. Vous avez fait exploser les stats de visite du blog. Ça fait plaisir ! Je vais maintenant me reconcentrer sur des sujets techniques.

Je suis à votre disposition pour toute question. Vous l’aurez compris, j’adore l’informatique et la fiscalité !

Attention : si vous êtes potentiellement un demandeur d’emploi indemnisé et que vous souhaitez vous mettre en freelance, avec un CA prévisionnel au dessus de 90k€ / an, contactez moi ! On a trouvé un montage encore bien meilleur pour vos quatre premières années d’activité !

11 réflexions sur “« Freelance : Pourquoi pas moi ? » – 3/3 : Le montage

  1. Jessica dit :

    Article très intéressant !! Je me demande juste pourquoi il est nécessaire de générer plus de 90k€ de CA / an pour faire ce montage ? Est-ce viable si le CA est de 50k de CA/an par exemple ?

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    • Bonjour Jessica,

      Merci de votre message.

      J’avais calculé pour un ami qu’en dessous de 70k€ / an, ce montage coutait trop cher pour dégager un salaire correct.

      Après, c’est techniquement tout à fait possible.

      Bonne journée

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